Née des entrailles d’Abobo, commune la plus peuplée d’Abidjan, sa voix résonne vite comme une symphonie d’amour. Totalement décomplexée par un physique qui a longtemps fait l’objet de raillerie parce que jugé « trop petit », Audrey Keïta se lance le défi de réussir là où personne ne l’attendait. Elle développe une passion indescriptible pour la communication sensorielle et lance en 2021 la première école des métiers de la voix en Côte d’Ivoire (EMV). Sa vision : mettre en lumière un domaine professionnel parfois banalisé.
Au premier contact, son enthousiasme est contagieux. Et sa voix captive immédiatement l’attention. Comédienne de doublage et voix off professionnelle depuis quelques années, Audrey Keïta décide de donner une nouvelle tournure à sa carrière lorsqu’elle réalise que dans le milieu son métier est loin d’être valorisé.
« Un jour, pendant une séance d’enregistrement en studio je me suis retrouvée en face d’un collègue qui dénigrait le métier de voix off et qui estimait qu’on n’était qu’une voix de toutes façons. Ça m’a frustrée de voir à quel point le métier que je faisais n’était pas pris au sérieux. Et ce jour-là j’ai ressenti le besoin de changer les choses », se souvient-elle.
Si le déclic est parti d’une frustration mal vécue, la passion est le véritable moteur de sa vision. L’idée de créer une école qui permettra aux personnes aussi passionnées qu’elle de se faire encadrer pour mieux répondre aux exigences du métier, la hante jour et nuit. Entre ses études de droit et sa carrière de professionnelle de la voix, elle décide de fonder l’EMV. Ses programmes suscitent tout de suite de l’intérêt.
« J’ai eu beaucoup de retours positifs depuis que j’ai démarré l’aventure EMV. Je travaille avec une équipe de personnes compétentes dans leurs fonctions et actuellement nous encadrons la deuxième promotion de la formation en comédie de doublage et en voix off. Nos programmes ont été conçus pour développer le potentiel vocal de nos apprenants mais surtout pour permettre à des personnes qui sont passionnées par le métier d’avoir l’opportunité d’y faire une carrière », explique Audrey.
Donner aux autres la chance qu’elle n’a pas eu lorsqu’elle débutait dans ce milieu est son plus grand réconfort. Mais pas que. Elle rêve de développer la communication sensorielle en Afrique francophone. Pour elle, il est important de « permettre aux acteurs de la voix parlée d’être reconnus comme des artistes à part entière afin qu’ils puissent vivre de ce métier correctement ».

Productrice indépendante de phonogramme et connexe, Audrey KEÏTA a toujours nourrit le rêve de devenir journaliste avant de découvrir sa véritable vocation. D’abord animatrice d’une rubrique à potin sur la « radio amitié » de Yopougon, sa voix fascine les auditeurs.
« J’ai atterris à la radio par le biais d’un ami qui m’a dit Audrey tu t’exprimes trop bien et moi j’ai des relations à la radio qui peuvent te permettre de vivre de ta passion même si ce n’est pas rémunéré pour l’instant. Voilà comment j’ai eu ma première expérience radio et j’ai adoré », raconte-elle.
Audrey Keïta est ensuite obligée d’abandonner sa passion pour se consacrer à ses études de droit, sur insistance de ses parents. Ses derniers rêvent de la voir embrasser une carrière de juriste mais son amour pour les métiers de la voix est plus fort. Et le destin semble comploter en sa faveur.
« J’ai rencontré la voix off par pur hasard. J’ai été contactée par un confrère sur un projet. C’était mon premier spot publicitaire d’ailleurs. Quand on a terminé et qu’on m’a fait écouter, j’étais sous le charme même si aujourd’hui je pense que ma voix n’était pas super top à l’époque. En plus j’ai été payée pour ça et pour moi c’était juste magique. J’étais là et je me disais waouh, c’est ma voix qui m’a fait gagner ça ? », se remémore-elle, nostalgique.
Dès lors tout s’enchaîne. Elle se forme en autodidacte et se perfectionne rapidement. Sa détermination n’a d’égal que son potentiel. Elle se fraie toute seule un chemin dans le milieu et se fait facilement remarquer. Elle est ensuite sollicitée sur de nombreux projets de voix off et de comédie de doublage.
« J’ai eu le plaisir de poser ma voix pour l’attente téléphonique du BNETD et pour de grandes entreprises comme MTN, Jumia, NSIA BANK ou encore Imako Events du Mali pour ne citer que ceux-là », confie-t-elle.
Pourtant, derrière ce succès fulgurant se cache les dures réalités de la vie d’entrepreneur. Absence de financement, ressources humaines pas toujours loyales, coups bas et manque de crédibilité. En dépit de tout, elle tient bon et s’accroche à son rêve de faire de son école l’une des pionnières de la pédagogie vocale en Côte d’Ivoire. Ses formations sont essentiellement pratiques mais accordent une importance à la théorie afin que les apprenants comprennent l’essence même du métier qu’ils désirent embrasser.
« Chacun de nous a un potentiel qu’il suffit de découvrir pour trouver sa voie. J’ai trouvé la mienne et je souhaite que tout le monde puisse faire de sa voix une opportunité de carrière. Il suffit de le vouloir et de nous rejoindre à l’école des métiers de la voix pour peaufiner son talent ».
Rachidath BOURAÏMA