À plus de 40 kilomètres d’Abidjan, se trouve le plus grand village artisanal de l’Afrique de l’Ouest. Ce lieu d’exposition d’œuvres d’art réunit plus de 1000 artisans et artistes. Tous désemparés par le désintérêt de la population face aux métiers de l’art. Certains aspirent à quitter ce milieu qui existe depuis 1976.
7 heures du matin. Des objets rutilants se laissent apercevoir. Des bruits de marteaux se font entendre. C’est ici le village artisanal. Il offre une panoplie de couleurs toutes en harmonie. Il y a plus de cent cases étendues sur tout le long de l’ancienne voie de Bassam, dans la banlieue balnéaire. Ce lieu donne aux visiteurs et aux acheteurs une diversité d’œuvres qui replongent dans les cultures africaines. Ici, plus de la moitié sont des artistes et les autres des vendeurs.
Les artistes sortent leurs matériels et exposent les œuvres déjà achevées. Younouss, bronzier, commence sa journée par achever les œuvres qu’il avait commencé à travailler depuis la veille. « Le travail de bronzier prend beaucoup de temps et se fait par étape. Pour sortir de beaux objets d’art, il faut réunir l’argile, le bronze et la cire d’abeille, tout ça travaillé ardemment pour avoir un beau résultat », explique-t-il.
Attenta, Covid19 : le monde des arts s’effondre

« C’est vraiment écœurant de voir qu’aucune attention n’est portée à l’endroit de nos œuvres. Parfois, nous pouvons faire toute une semaine sans avoir un seul client. On a aussi des pièces qui n’ont pas encore été vendues depuis maintenant 3 ou 6 ans. Mais c’est notre passion. On n’a pas le choix. On l’a appris depuis tout petit auprès de nos parents.», sanglote presque. Comme lui, plusieurs artisans sont aussi dans la même situation.
C’est le cas de Sankaré Mamadou, artiste et lui-même revendeur. Il s’est reconverti en artiste par passion. « Depuis 1980, j’ai décidé de travailler dans l’artisanat. Auparavant, j’étais mécanicien. J’ai appris les métiers de l’art depuis le bas âge. C’est ainsi que j’ai décidé d’être sculpteur », indique-t-il.
Dans les années 90, il vivait pleinement et aisément de son art jusqu’au jour où la ville de Grand-Bassam a connu une attaque terroriste. « C’est à ce moment que j’ai vu ma vie d’artiste s’effondrer. Il n’y avait plus de touristes ici à Bassam. Et tout ça m’a affecté financièrement. Maintenant, j’ai décidé d’arrêter de sculpter et je vends des cigarettes en plus des toiles bâties que je confectionne de temps à autre », se désole Mamadou.
« Je suis un amoureux de l’art depuis le bas âge. Depuis mes douze ans, je venais apprendre à sculpter ici au village artisanal. J’ai décidé d’en faire profession malgré l’opposition de mes parents. Moi, j’ai touché à presque tous les métiers de l’art. Aujourd’hui, je ne fais plus de sculpture. Je travaille avec une équipe qui se charge de sculpter. J’achète leurs œuvres. Je les couvre de perles que je revends ensuite. Mais depuis la crise du COVID-19, il n’y a plus de touriste. Alors qu’ici, en Côte d’Ivoire, l’art vit du tourisme puisque bon nombre d’Ivoiriens ne s’y intéressent pas », explique Sankara Seydou, un autre artiste.
Crise postélectorale, crise sanitaire, et le désintéressement de la population sont les raisons phares pour lesquelles l’art en Côte d’Ivoire se meurt. C’est aussi le cas de Traoré. Derrière son stand d’exposition, il rassemble toute une équipe de couturiers, de menuisiers, de peintres et de sculpteurs. Ils abattent presque tout le boulot et leur patron se charge de l’exposition et des ventes. Traoré expose des tableaux qui relatent l’histoire des peuples ivoiriens, des statuts, des masques également inspirés des histoires de la culture ivoirienne et du Mali, des pagnes sur lesquels sont transcrites les images des villages. « Dès qu’on a un client, on n’est pas prêt à le laisser partir. Autant vendre nos œuvres sans obtenir de bénéfice que les laisser vieillir sans aucun gain », confie Traoré.
2.0 !
« Je vends aussi des objets sacrés et des objets de plus de cinq siècles ce qui est fait sur demande. J’ai vite compris que s’il n’y a pas d’innovation dans mon travail, je ne pourrais même pas vendre un article. J’ai donc décidé d’exposer en plus d’ici sur Internet. Cela me permet de me faire connaître dans le monde et d’expédier mes articles », affirme Traoré. Pour la plupart des artistes, il faut de trouver des alternatives plutôt que d’attendre uniquement l’aide du gouvernement.
Dorine Danon et Beraca Diglê