Il est 11 heures. Ecrasée par la chaleur d’une matinée ensoleillée, Abobo, la commune la plus peuplée d’Abidjan s’offre à pleine vue. Au cœur de la cité Biabou 2, une petite maison tutoie la nature. De la verdure à perte de vue. Le calme règne en maître. Le propriétaire des lieux est un amoureux de la tranquillité. Camara Kalilou , champion d’Afrique de boxe anglaise. Ce 13 janvier 2022, entre rires et confidences, il revient sur son parcours de boxeur et partage ses nouvelles aspirations.

Comment décrire ce personnage atypique ? Le contraste entre la force qu’il incarne et la douceur de son tempérament, saute immédiatement à l’œil. 110 Kg au compteur, physique d’athlète, carrure imposante, le champion Camara Kalilou détient le titre de « RBO Afrique des lourds » depuis le 07 août 2021. Si le succès lui sourit à pleine dents aujourd’hui, ce n’est nullement le fruit du hasard. Sa nouvelle ceinture de champion d’Afrique est le résultat de plusieurs années de discipline et de préparation.
Il avait à peine 18 ans quand tout a commencé. « A l’époque j’étais très inspiré par un grand frère qui s’appelait Folio. Il faisait de la boxe et il était très doué. C’est grâce à lui que j’ai découvert cette passion. Il m’a transmis cet amour pour la boxe et m’a appris beaucoup de choses », se souvient-il.
Mordu par sa nouvelle passion et ne disposant pas de ressources nécessaires pour se faire former, ce jeune talent d’Abobo s’entraine régulièrement, tantôt avec son mentor, tantôt tout seul. Il passe beaucoup de temps dans les maisons inachevées de son quartier pour s’exercer et monter en compétence, avec pour seuls matériels, des sacs de riz bourrés de sable. Plus tard, il intègre le camp militaire en tant que civil pour recevoir une formation adaptée à sa nouvelle discipline. Il y passe 12 années à servir l’armée à travers le club « Soa Box » et représente le drapeau national sur des compétitions de boxe amateur. Conscient des défis à relever, Kalilou s’adapte rapidement à la rigueur que lui impose sa nouvelle vie.
« Être boxeur, c’est être mentalement fort et développer la maîtrise de soi. Pendant les préparations, on se prive de beaucoup de choses pour être performant. Ne pas s’approcher de la femme, ne pas manger de l’oignon, éviter les aliments gras, les boissons gazeuses etc… Il y a vraiment beaucoup de choses qui peuvent décourager mais c’est la passion qui donne la force de continuer », explique le boxeur.
En 2009, Camara Kalilou remporte sa première victoire au championnat national de boxe amateur. Dès lors, tous les regards sont tournés vers lui. Il enchaine les tournées nationales et représente son pays sur plusieurs compétitions. Il collecte les médailles et devient 9 fois champions de boxe en Côte d’Ivoire. Le parcours n’est pas sans embûches. Il prend des coups ; il en donne aussi. Chaque entrainement est une épreuve. Rigueur, discipline, travail font partie de son quotidien. Sur le ring, il n’a qu’un seul objectif, mettre ses adversaires K.O. Pas de quartier. Le boxeur gagne en confiance après chaque victoire. Il améliore ses techniques.
Dans la solitude d’un champion

Son talent ne passe pas inaperçu. Son seul regret, c’est de ne pas avoir suffisamment de soutien pour éclore davantage.
« Pour un homme qui décide de devenir champion, la première difficulté c’est de ne pas avoir de sponsors. Il faut te battre pour y arriver. Sans aide, ce n’est pas facile de faire de grandes choses », se désole-t-il.
En 2013, le champion Camara Kalilou représente l’armée au Championnat d’Afrique Militaire en Guinée Conakry et enregistre sa première défaite. Il tire des leçons de cet échec et décide de fournir deux fois plus d’efforts pour se démarquer. Très vite, il se lance en indépendant et convoite de plus grandes récompenses.
Son rêve d’obtenir un titre continentale se réalise au championnat professionnel continentale d’Afrique de Boxe. Il est sacré champion et décroche la ceinture « RBO Afrique des lourds » face au boxeur Camerounais Wapet Rudel. Sa joie est immense mais il ne se laisse pas distraire par les émotions. Il compte aller plus loin et porter plus haut l’étendard du drapeau ivoirien.
« J’ai franchi un cap important, c’est vrai. Maintenant je convoite deux ceintures importantes pour moi : la ceinture inter continentale et la ceinture mondiale. Après ça je pourrai prendre tranquillement ma retraite », confie-t-il en esquissant un léger sourire.
Personnage inspirant pour son entourage, son humilité fait grandir l’estime que ses proches ont pour lui.
« Je suis très fière de Camara et du modèle qu’il incarne aujourd’hui. Croire en quelque chose et se battre pour l’avoir, ça m’a toujours marqué et c’est ce qu’il fait tout le temps. C’est mon petit frère mais c’est un exemple pour moi et une fierté pour toute la famille », témoigne Bill Moïse, le frère ainé du Champion Kalilou.
Le regard fixé vers l’avenir, Camara Kalilou nourrit de gros projets pour son pays. Il planifie déjà sa retraite et ne compte pas se reposer sur ses lauriers.
« Actuellement je me donne 6 ans pour arrêter la boxe totalement. Et à partir de là, je vais suivre des formations pour apprendre à transmettre mon savoir. Parce que tu peux être champion et être excellent dans ton domaine mais ne pas savoir comment enseigner ça aux autres. Et mon rêve, c’est de transmettre mon savoir à ceux qui partage la même passion que moi en créant des salles de boxe et en aidant les plus petits à être grands dans la tête », projette-t-il.
En attendant, il continue de travailler dur pour faire de nouvelles performances. Il espère obtenir plus de soutien et de reconnaissance de la part des autorités ivoiriennes mais aussi du public ivoirien. Comme Camara Kalilou, de nombreux talents d’Abobo sortent progressivement de l’ombre et souhaite voir la lumière jaillir pour mieux se positionner dans l’arène.
Rachidath BOURAÏMA