Depuis les années 80, il fait danser toutes les générations avec sa musique atemporelle. Une musique qui a croisé de nombreuses langues, de nombreuses cultures, de nombreux rythmes.
À presque 60 ans avec au compteur plus de 30 ans de carrière, celui qu’on appelle désormais « La légende » n’a pas encore fini de faire parler de lui. Lorsqu’on évoque la question de son engagement patriotique, Désiré Frédéric Ehui a.k.a Meiway s’exprime avec conviction. Sans tabou.
Ce jeudi 06 janvier 2022, au détour d’une interview inespérée mais à la fois trépidante et exaltante, il revient sur son engagement politique et son actualité. Un entretien au goût de cours de musique, de coup de gueule et de scoop.
Abidjan Soir : pour certains de vos fans, vous êtes en avance sur votre temps, comment arriver vous à garder le cap malgré les évolutions ?
Meiway : J’ai appris mon métier avant de l’exercer. À partir du moment où vous avez fait un apprentissage de votre métier, vous êtes capable de l’exercer au mieux et de donner le meilleur de vous-même. Il faut retenir que dans tous les domaines, les choses évoluent et quand on a conscience de cela, on doit s’y adapter au quotidien. Quand il y a un courant musical qui marche bien et qui a des adeptes, même si vous n’appréciez pas, il faut comprendre pourquoi les gens aiment et pouvoir intercepter le détail, le secret de cette réussite et l’injecter dans ce que vous faites. Ma musique est à la base métissée. Je l’accentue avec les nouveaux courants musicaux. Chaque fois qu’il y a une tendance, j’essaie d’intercepter l’ingrédient qui fait la différence pour en faire une sorte de mise à jour de ce que j’ai créé qui est le Zoblazo. C’est ce qui fait qu’autant d’années après on a l’impression que je suis là. De plus, quand je rentre au studio, c’est pour bien faire mon travail. Je ne fais pas le travail pour dire « ok, j’ai envie de manger demain donc je vais faire ça ».
Ce travail que je vais faire en studio, il faut qu’il soit consommé dans la durée pas pour une période. Je compose et j’écris mes chansons pour la postérité. C’est vrai que ce n’est pas ce qui marche tout de suite, qui va cartonner immédiatement, mais c’est ce qu’on va écouter sur des décennies.
AS : Vous l’avez dit, votre musique est un métissage. Qu’est-ce qui explique votre titre « Tu dis que quoi ? » En hommage à un peuple du Cameroun ?
J’insiste sur le fait que quand tu as appris un métier, rien ne peut te surprendre après. C’est pour cette raison que je dis à la nouvelle génération, si vous voulez être chanteur, apprenez à être chanteur, si vous voulez être musicien, apprenez à l’être. Il ne faut pas dire « ok, j’ai une bonne voix, je rentre au studio ». Tu as une belle voix, mais est-ce que tu sais que pour chanter, on manipule des notes de musique ? Le Do, Ré Mi Fa, Sol… Il faut avoir une petite base. Quand un mécanicien a bien appris son métier, quel que soit la voiture que vous lui emmenez, il la répare. Tout ça parce qu’il connaît le boulot. Ce n’est pas parce que tu lui as emmené une voiture différente de l’autre qu’il est perdu. Un chanteur doit savoir s’adapter à tout. Moi, je sais faire du reggae et je l’ai fait. Je peux faire du hip-hop et je l’ai déjà fait. C’est pour vous dire que quand on parle du Cameroun, ce n’est pas étranger. Il y a une musique qui m’a parlé, celle des »Bamilékés » qu’on appelle le Benski. Elle a attiré mon attention. J’y suis allé, je me suis documenté, j’ai écouté, j’ai enregistré des sons traditionnels. Je suis rentré dans mon studio, j’ai travaillé et proposé quelque chose et aujourd’hui en voilà les résultats. Donc ce sont beaucoup de travail en amont. Rien ne doit nous surprendre. Le vrai métissage se retrouve dans le Zoblazo. Je me suis dit quand tu es Ivoirien, tu es forcément métisse. J’ai voulu faire intervenir ce brassage culturel qui caractérise la Côte d’Ivoire dans ma musique. C’est pour cela vous entendez différentes sonorités.
AS : Votre style vestimentaire, est-il en rapport avec votre musique ?
C’est fait exprès. Quand vous défendez une culture, pour un chanteur qui fait à la fois de l’audio et du visuel, il faut qu’il y ait une harmonie. Dans mes accoutrements et mes tenues dans les clips vidéo, j’essaie de mettre davantage nos pagnes et nos matériaux en avant. On a la chance d’avoir des stylistes de haut niveau. Je travaille avec de nombreux de stylistes ivoirien et étranger. Ça a commencé par Angybell, Pathé’O et Etien Marcel, Roger Bango, Chantal Koffi. Cissé St Moise reste celui en date.

AS : Il vous arrive dans vos chansons de dénoncer des faits de société, notamment avec le titre Bipoya. Avant les élections passées, vous avez pris position concernant la présidentielle en Côte d’Ivoire. D’où vient cet engagement ?
Quand la majorité dit tout bas ce qui est vrai, il faut qu’il y ait quelqu’un pour porter tout haut ce qui est vrai. Je me suis érigé en ce personnage. Ce qui est difficile à faire, ce n’est pas sans risques. Mais c’est très noble. Parce que j’ai conscience que je suis une légende, une célébrité grâce à mes fans. C’est grâce à tous ceux qui aiment ce que je fais que je suis ce que je suis. Mais quand tout ceux-là dépriment, pleurent dans les coulisses, et que moi je m’en fiche est-ce reconnaissant de ma part? C’est la question que je me suis posée et j’ai réagi naturellement. Je me suis dit par reconnaissance, je défendrai mon peuple qui souffre, qui a envie de dire la vérité mais qui est bâillonné. Ce peuple qui m’a tant donné, je lui dois autant. Je me suis engagé dans une mission qui est spontanée, naturelle. Ça me vaut ce que ça me vaut aujourd’hui, je ne la regrette pas du tout. Un artiste est censé être un messager. Parce qu’on a la chance de s’adresser au maximum de personnes. Quand on écrit une chanson, il faut en profiter pour faire passer un message. Des messages pour construire et non pour détruire. C’est ce que j’ai fait.
AS : Vous dites qu’un artiste se doit d’être un messager. Que pensez-vous de l’annulation du concert de Tiken Dja par les autorités locales de la commune d’Abobo d’après ces dires ?
Je ne veux pas rentrer dans les détails pour ce qui concerne Tiken qui est un jeune frère, très brave dans son combat. Je ne maîtrise pas ce qui s’est passé au risque de m’égarer. Mais je veux prendre mon cas pour exemple. J’ai eu moi aussi un concert annulé, je n’ai pas fait de bruit. J’évolue différemment. Je connais ceux qui ont annulé, je veux juste aller les voir parce que je ne citerai pas les noms. Ils se connaissent. Si ces trois ministères ont conscience que des mesures d’accompagnement doivent suivre dans ces cas, qu’ils fassent le geste qu’il faut pour compenser le préjudice qu’on porte, et puis basta ! On ne fera pas de bruit. Si ce n’est pas fait, ils vont nous contraindre à ouvrir nos grandes gueules et ça aussi ça laisse des traces. En musique, la roue ne tourne pas on reste toujours musicien à vie. Même s’il y a des hauts et des bas. Mais en politique, la roue elle tourne. Aujourd’hui, vous êtes ministre ou président demain, vous ne le serez plus. Alors qu’on nous écoute un peu plus parce qu’on est dans le vrai. C’est nous le relai entre les populations et le gouvernement. Nous ne sommes pas n’importe qui. Si on ne nous écoute pas tant pis. Évitions d’aller vers l’injustice. Annuler un concert de Tiken, annuler un concert de Meiway et permettre un concert de Fally en 24 heures dans le même pays, il y a une discrimination. Il faut que les Ivoiriens le sache. Debordo l’a dit. On n’a pas compris le message. Aujourd’hui, nous sommes là. Que tous les Ivoiriens tirent un enseignement et qu’on puisse parler les yeux dans les yeux en s’appuyant sur les réalités.

AS : De votre premier Album à aujourd’hui que voulez-vous que le monde retienne de Meiway en tant qu’artiste ?
L’Ivoirien qui est arrivé avec une musique nouvelle pour faire la révolution artistique. À l’époque, la musique ivoirienne existait, mais timidement. Elle se limitait à nos frontières. J’ai voulu faire sortir cette musique de nos frontières. Dieu merci, je pense avoir fait le bon mélange, le bon cocktail artistique et musical à proposer au monde entier. Le plus dur ce n’est pas d’exister, mais de se faire une voie, un boulevard sur lequel on va circuler en permanence et ce boulevard est tracé depuis longtemps. Maintenant tous les véhicules peuvent circuler dessus.
AS : C’est quoi l’actualité de Meiway ?
D’abord, relancer ce concert qui a été annulé. Nous travaillons pour le reprogrammer. Derrière cela, nous avons d’autres dates à venir, notamment le 15 janvier à Bassam. On verra ce que les décideurs de la nation vont encore faire. Cette fois, nous les attendons. On prépare aussi en cette période où le football sera mis en avant, un clip qu’on va présenter bientôt à nos fans. L’innovation pour cette année, c’est que je sortirai mon tout premier single. On a beaucoup fait des albums, on s’est rendu compte que le monde du showbiz est en train de basculer vers les singles ce qui pénalise ceux qui comme nous faisons des albums. On sacrifie énormément de morceaux que les gens n’écoutent pas. Et ce sont souvent les meilleurs. Alors pour être en conformité avec les réalités du moment, d’ici 6 mois maximum, on pense proposer le premier single de Meiway. C’est une exclusivité pour votre journal.
Paule Ursule Koffi
[…] De nombreuses minutes plus tard, la voiture de l’artiste s’immobilise devant les locaux de l’IAM. Fin de l’interview, à lire ici. […]
J’aimeJ’aime