Il est 20 heures. Sur l’axe Cocody Faya – Bingerville, l’embouteillage est monstrueux. Encore un peu plus en ce mois de décembre 2021. Coups de klaxons de part et d’autre, dépassement inopinés, gaz d’échappement. C’est dans cette atmosphère que les usagers de la route tentent de se frayer un chemin. Les voitures avancent lentement. La chaleur s’intensifie.
Assis dans un « gbaka » (mini bus de transport en commun), Anselme Kouadio jette des coups d’œil réguliers à sa montre. Les sourcils froncés, le front en sueur, il s’inquiète : « Est ce qu’on pourra s’en sortir un jour ? C’est tout le temps pareil. Ça fait 2 heures maintenant que je suis coincée dans les embouteillages et j’ai mal partout ».
Comme Anselme, plusieurs automobilistes se plaignent au quotidien des heures d’embouteillages qu’ils doivent subir pour se déplacer dans la capitale économique ivoirienne. Retard, perte de carburant, pollution, accrochage, fatigue et stress sont devenus monnaie courante dans ce labyrinthe infernal.
Employé dans une entreprise située au ‘’Deux Plateaux’’, Robert Kaffolo doit rentrer tous les soirs à Bingerville où il vit. Le trajet est pénible. Au volant de sa voiture il klaxonne à répétition. « Quand je quitte le boulot à 18 heures, j’ai juste envie de me retrouver chez moi pour me reposer. Mais avant même de prendre la route, l’idée de passer plus de 3 heures dans les embouteillages me donne la migraine », se désole-t-il.
Dans cette longue file de voitures, entassées les unes derrières les autres, l’incivisme règne en maître. Les chauffeurs de ‘’Gbaka’’ se faufilent entre les voitures pour aller plus vite. Des jurons volent de toutes part pour réprimander le non-respect du code de la route. Certains passagers s’en plaignent pendant que d’autres subissent à contre-cœur.
« Chauffeur, pardon fait doucement. On veut vite rentrer mais on ne veut pas mourir deh », lance une dame assise à l’arrière d’un « Gbaka ». Les cheveux ébouriffés, elle s’agrippe à son siège pour ne pas tomber.
« Embouteillage là, nous ça ne nous arrange pas. Je dois gagner mon jeton. Donc on cherche les raccourcis pour gagner en temps », se justifie à son tour le chauffeur réprimandé. La trentaine, il est habitué à rouler dans ces conditions et ne s’en plaint plus.
Du côté de l’autoroute entre Adjamé et Yopougon, la circulation n’est pas moins pénible. Epuisée par une journée de cours intense, Dorine Gnali revient de son école située à Angré. Destination Yopougon, la plus grande commune de la Côte d’Ivoire. Pour un trajet de 45 minutes environ, elle galère depuis plus de 2 heures dans un bouchon interminable. Bien que cette situation inconfortable fasse partie de son quotidien, elle n’arrive pas à s’y habituer.
« Avant même de prendre la route, je suis déjà moralement épuisée rien que d’imaginer ce qui m’attend. C’est vraiment insupportable mais on a pas le choix. Il faut affronter les embouteillages », confie-t-elle.
Chacun sa stratégie
Les témoignages sont légions. Que ce soit en allant au boulot, le matin ou en rentrant chez soi le soir, les embouteillages sont un véritable calvaire pour la plupart des usagers de la route à Abidjan. Pourtant, certaines personnes, à l’instar de Marielle Konan, ont réussi à trouver une formule pour y échapper.
« Pour éviter les embouteillages, je quitte la maison très tôt le matin, généralement autour de 5h30. La circulation est encore fluide en ce moment et je fais mon trajet paisiblement. Mais si jamais 7 heures te trouve sur la route, tu es foutu dans affaire de embouteillage », raconte-t-elle.
Du même avis, Emmanuel Godonou explique son plan : « Comme les soirs, je sais que c’est chaud sur la route, je préfère rester au boulot jusqu’à 22h ou me promener un peu avant de prendre la route. C’est plus calme et j’économise en temps et en carburant. De toutes (les) façons quand tu quittes le boulot à 18 heures tu peux banalement rentrer vers 23 heures à cause des embouteillages ».
En Côte d’Ivoire, la situation historique des embouteillages à Abidjan est connue de tous. Pour une population estimée à plus de 4,7 millions d’habitants selon les données du dernier recensement effectué en 2014 par l’institut National de la Statistique, avec des milliers de véhicules en circulation, le trafic est continuellement engorgé. Cette situation préoccupante pour la plupart, engendre des conséquences d’ordre économique, environnemental et sécuritaire.
Depuis 2020, l’Etat ivoirien a entamé la construction du 4ème pont d’Abidjan qui va relier la commune de Yopougon à celle du Plateau. L’objectif étant d’améliorer la fluidité du trafic et de donner une alternative aux usagers de l’autoroute entre Yopougon, Attécoubé et Adjamé. Un projet que les ivoiriens attendent impatiemment de voir achevé.
Rachidath BOURAÏMA